Et si nous jouions à détruire notre relation ?

30/09/2019

L'une des conséquences très concrète de la blessure d'abandon, comme beaucoup d'autres blessures touchant à l'estime de soi, est parfois de favoriser l'entrée du blessé d'abandon et de ses proches dans un échange stéréotypé, répétitif et prévisible, dont la principale caractéristique est que les interlocuteurs en sortent tous systématiquement déçus et frustrés.

Cette interaction conflictuelle devient alors facteur aggravant dans la relation avec le blessé d'abandon, et il est important pour le proche d'en prendre conscience rapidement, car il a alors capacité à en éviter les pièges.

Le jeu de rôle relationnel du triangle dramatique

Le jeu de rôle se joue entre plusieurs interlocuteurs (souvent le blessé d'abandon et son proche parent ou conjoint) qui vont chacun entrer inconsciemment dans un rôle préférentiel (nous avons tous un rôle préférentiel) de victime, sauveur ou persécuteur. L'échange qui a lieu est un stéréotype dans lequel les acteurs vont changer de rôle au cours de l'échange, aboutissant finalement à la frustration de l'ensemble des acteurs.

Je fais référence ici au triangle dramatique de Karpman (1) qui nous vient de l'analyse transactionnelle, dont de multiples descriptions détaillées et claires peuvent être trouvées ici ou là (quelques références suivent), et vers lesquelles je ne peux que vous inciter à vous reporter si vous n'en êtes pas encore familier.

L'article original de S.B. Karpman : « Fairy Tales and Script Drama Analysis »

https://www.karpmandramatriangle.com/pdf/DramaTriangle.pdf

Et des descriptions francophones de qualité :

Décoder des situations de communication problématiques de D. Miron et J. Chrétien

https://www.communicationgagnante.com/le-triangle-de-karpman/

Exemples d'échanges dramatiques

Dans le cadre de la blessure d'abandon, l'échange s'effectue souvent entre le blessé d'abandon (BA) et un proche (PR), parent ou conjoint. Ils ont un échange dans lequel ils prennent chacun un rôle préférentiel de victime (V), sauveur (S) ou persécuteur (P), dont la caractéristique est qu'il évolue au cours de l'échange, amenant à la déception et la frustration des acteurs.

Un bon indice pour savoir si un tel jeu de rôle a lieu est l'obtention par les acteurs de l'inverse de ce qu'ils attendaient consciemment, et d'être confrontée à cette situation relationnelle de manière répétitive.

La prédisposition du blessé d'abandon au triangle dramatique

Le blessé d'abandon (par exemple le positif-aimant au sens de G. Guex) choisit souvent le rôle de victime, se plaignant de ce qu'il perçoit comme des manques d'amour de son proche, vivant ainsi indirectement un délaissement (qu'il perçoit comme les prémices d'un nouvel abandon), et s'apitoyant sur son sort. L'entrée dans ce rôle est pour lui le moyen d'obtenir de son proche les nombreuses preuves d'amour dont il est cruellement dépendant, objectif inconscient destiné à soulager illusoirement son besoin d'amour absolu jamais comblé.

Mais le blessé d'abandon peut également choisir le rôle de persécuteur (par exemple le négatif-agressif au sens de G. Guex), notamment lorsqu'il estime avoir déjà trop longtemps crié la souffrance relative à sa blessure d'abandon inconsciente, sans que son proche ne « se résolve enfin à l'aimer correctement ». Il utilise alors son proche comme un réceptacle de son trop plein de colère ou frustration. L'entrée dans ce rôle est pour lui l'occasion de se revaloriser au détriment de son proche, objectif inconscient destiné à soulager illusoirement et temporairement son gouffre de non-valorisation jamais comblé.

L'entrée dans un rôle offre également au blessé d'abandon des bénéfices secondaires plus ou moins conscients, tels que :

  • revivre un type de relation expérimenté dans l'enfance et qui permettait d'assouvir son besoin à l'époque (pourquoi changer une tactique ayant fait ses preuves ?) ;
  • obtenir un signe de reconnaissance qu'on n'aurait pas eu autrement (une nouvelle preuve d'amour, demande typique du blessé d'abandon liée à sa dépendance affective) ;
  • éviter de remettre ainsi en cause des mécanismes de défense personnels souvent hérités de l'enfance, à l'époque où la blessure d'abandon s'est installée (motivation liée à la peur du changement) ;
  • valider une nouvelle fois la croyance du blessé d'abandon, à savoir qu'il n'est pas aimé comme il le devrait (l'amenant à déduire à terme qu'il ne doit pas du tout prendre le risque d'être aimé) ;
  • etc.

Ces bénéfices secondaires retardent souvent l'indispensable travail de remise en question que le blessé d'abandon doit effectuer sur lui-même pour pouvoir sortir de sa dépendance affective, et jouir enfin de relations affectives stables et épanouissantes. Ils contribuent à expliquer également pourquoi le blessé d'abandon préfère parfois rester dans le déni ou la dénégation de sa blessure, ou encore le refus de se faire aider d'un spécialiste compétent.

Mais pour jouer, il faut être au moins deux...

L'existence d'un jeu relationnel est toutefois conditionnée par une évidence : il faut au minimum deux acteurs. Si la dépendance affective du blessé d'abandon l'amène à être un acteur prédisposé d'un tel jeu, le proche du blessé d'abandon gagne également à prendre conscience de son propre rôle dans ce jeu. C'est une bonne nouvelle : il s'agit de la première étape pour apprendre à les éviter !

Le proche conjoint qui rentrerait dans ce jeu de rôle pourrait le faire par celui de sauveur, dans l'objectif d'éviter le rejet ou l'affrontement, par exemple pour préserver les enfants du stress de la dispute de ses parents, ou pour simplement ne pas déplaire ou se faire accepter du blessé d'abandon. Un proche parent pourrait le faire également dans l'objectif d'aider simplement son enfant, en oubliant de favoriser son autonomie dans la recherche de ses propres solutions.

Le proche pourrait également entrer avec le rôle de persécuteur, en réaction à l'étouffement affectif qu'il pourrait vivre avec le blessé d'abandon, auxquels les demandes d'amour toujours insatisfaites et le besoin de contrôle pourraient contribuer.

Il est important ici pour le proche de s'interroger sur son rôle préférentiel, et sur les motivations inconscientes qui le pousserait à entrer dans un tel jeu (un manque d'estime de soi est le point commun de tous les acteurs). Parfois la raison est assez directe : vivre avec un blessé d'abandon est une cause importante de remise en question pour ses proches, les amenant parfois à douter d'eux-mêmes lorsque la blessure d'abandon n'est pas encore clairement identifiée, et à favoriser ainsi l'entrée dans un triangle dramatique. Mais parfois également la cause est plus profonde et liée à la propre enfance du proche.

Le proche du blessé d'abandon gagne donc toujours à accepter un accompagnement par un spécialiste compétent : il s'agit en effet pour lui d'une aide inestimable dans la clarification de la situation qu'il vit avec le blessé d'abandon, mais également dans l'identification de jeux relationnels destructeurs, et la mise à disposition d'outils pratiques aidant à une relation constructive.

Il est donc possible au proche d'un blessé d'abandon de faire évoluer l'échange positivement en agissant sur lui-même, sans dépendre du blessé d'abandon, même si celui-ci se trouve sur le moment dans le déni ou la dénégation de sa blessure. En prenant conscience de son rôle et du sien dans l'échange, il peut interagir en connaissance du piège à éviter et prendre ainsi le recul émotionnel suffisant pour contribuer activement à son amélioration.

Conséquences du jeu de rôle

La conséquence directe de ces drames à répétition est la dégradation continue de la relation que le proche entretient avec le blessé d'abandon. Cette dégradation est vécue par le blessé d'abandon comme une preuve supplémentaire qu'il ne peut lui faire confiance et qu'il est défaillant dans l'amour dont il fait preuve. A long terme sa conclusion sera évidente au regard de sa blessure : il lui faudra le quitter avant qu'il ne l'abandonne, comme les uns l'ont fait avant lui et les autres le feront encore après lui...

Si le triangle dramatique ne fait que contribuer au mal-être du blessé d'abandon et de ses proches, en sortir permet d'améliorer la relation, même si son amélioration long terme est de toute façon dépendante d'un travail inévitable que le blessé d'abandon doit faire sur lui-même. En d'autres termes, sortir du triangle dramatique contribue à l'amélioration de la relation mais ne permet pas au blessé d'abandon de guérir de sa blessure.

Prochain article : sortir concrètement du triangle dramatique.


Guérir de la blessure d'abandon

https://www.relationsvraies.com/wp-content/uploads/2017/02/cadeau-blessure-abandon-AT-2.pdf

Décoder des situations de communication problématiques

https://www.communicationgagnante.com/le-triangle-de-karpman/

https://essence-i-elles.blog4ever.net/le-triangle-du-gagnant

3P

https://dominique-pierucci.com/oser-depasser-vos-croyances-limitantes/

https://jmi67.free.fr/psycho_docs/triangles_jeux_psy.pdf

AT

https://analysetransactionnelle.fr/les-concepts-de-base/les-transactions/

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